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Photo du rédacteurRémy Bartocci

NFT et galeries d’art : où est la vraie révolution ?

Alors que les NFT sont en train de révolutionner le marché de l’art, les galeristes tentent de s’adapter, notamment en exposant des oeuvres NFTs sur des écrans. Mais est-ce si révolutionnaire que cela, s’interroge dans cette tribune Annelise Stern, fondatrice chez ART GIRLS GALLERY.

Hot topic du milieu de l’art, il est difficile ces derniers mois de passer à côté du sujet des NFT. Je fais partie des enthousiastes, des convaincus que l’avenir du monde de l’art se joue de leur côté. Il n’empêche que je lève régulièrement les yeux au ciel quand je vois un nouvel acteur du marché de l’art s’emparer de cet outil. Bien entendu, le marché de l’art doit s’y intéresser, car c’est un outil formidable qui peut réellement apporter de la valeur à l’exercice de nos métiers et nous serions sacrément stupides de nous en priver.


Transparence, traçabilité, rémunération sur le long terme des artistes avec le système des royalties, démocratisation de la collection d’art, simplification maximale du processus d’acquisition d’une œuvre d’art.… Il est vrai que tout cela fait pas mal rêver. Si les NFT ouvrent le champ des possibles dans le monde de l’art, je désespère néanmoins de voir la façon dont certains acteurs s’en emparent.


La révolution introuvable


J’ai souvent un sourire en coin lorsque je vois les mots « NFT » et « révolution » dans la même phrase. Est-il vraiment si révolutionnaire d’exposer des NFT dans une galerie ? Je ne sais pas vous mais, de mon côté, me déplacer dans une galerie d’art pour regarder des œuvres sur des écrans, le tout dans un white cube, ne m’excite pas vraiment, et je n’ai pas le sentiment que nous sommes face à une révolution.


Si l’idée d’amener les NFT dans l’espace physique m’intéresse, nous devons être attentifs à la façon dont nous mettons en œuvre cette transition. Parce que se contenter de présenter des œuvres sur un écran, ce n’est pas hyper enthousiasmant. Regarder des œuvres sur un écran, je peux le faire de chez moi, je n’ai pas besoin de me déplacer en galerie pour le faire. D’ailleurs, je le fais bien mieux de chez moi.


Est-ce que nos commissions en tant que galerie d’art font encore sens lorsque nous vendons une œuvre d’art ?

Les NFT remettent en question un certain nombre de choses. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’appliquer le modèle vieillissant du marché de l’art dans le monde digital. Est-ce que nos commissions en tant que galeristres font encore sens lorsque nous vendons une œuvre d’art ? Les NFT permettent la mise en relation directe des artistes avec le public, la suppression des intermédiaires. Il y a clairement de quoi s’interroger sur la pertinence de nos commissions (et moi la première) ! Continuer de prendre 50 % alors que j’ai envie de m’orienter vers les NFT me semble relever du non-sens.


Une invitation à repenser le cœur de nos métiers


Finalement, j’ai l’impression que tout ça ne fait que nous ramener vers le cœur de nos métiers. La galerie est un espace de rencontre entre les œuvres et le public. Comment est-ce que je peux recréer du lien entre les œuvres et le public ? Comment puis-je créer le meilleur espace de rencontre possible entre les œuvres et mon public ? Plutôt que de proposer des NFT sur des écrans, nous, galeristes, devrions peut-être réfléchir à la meilleure façon de permettre au public de rencontrer les œuvres.


Est-il pertinent de chercher à centraliser un outil qui a été conçu pour fonctionner de manière décentralisée ?

Cela fait soixante ans que nous n’avons pas réellement innové dans nos manières de présenter des œuvres. Je ne suis pas certaine qu’il y ait une réelle différence entre la manière dont on présentait les œuvres dans les galeries d’art en 1970 et aujourd’hui, en 2022. Mais l’art, lui, il évolue tout le temps. Et nous, nous sommes à la traîne.


Est-il pertinent de chercher à centraliser un outil qui a été conçu pour fonctionner de manière décentralisée ? Est-il pertinent de proposer des plateformes ultra curatées, dans un univers où l’idée de bon goût n’existe pas ? Est-il pertinent de faire appel à un curateur qui il y a quelques mois comparait les NFT à de « l’huile de jus de moteur » ? Est-il est pertinent de faire appel aux mêmes personnes qu’on a déjà vu 100 fois ? Est-ce qu’on attend une réelle innovation de ces profils qui ont été dans l’incapacité d’innover depuis des décennies dans le monde de l’art traditionnel ? Est-il pertinent de donner la parole publiquement à des personnes qui n’ont jamais fait l’acquisition d’un seul NFT de leur vie ? Est-il pertinent de remettre perpétuellement en avant les mêmes artistes qui saturent déjà le marché de l’art contemporain ? Peut-on réellement parler d’une révolution quand on se contente de calquer désespérément notre vieux modèle sur un nouveau monde qui s’ouvre ?


Je n’ai finalement que des interrogations à ces différentes questions, pas encore de vraies réponses, seulement quelques pistes de réflexion. Et une petite intuition que c’est de ce côté-là qu’on doit creuser si on veut ajouter de la valeur et du sens dans l’exercice de nos professions.


Pour finir, tout de même, sur une bonne note, rappelons tout de même qu’il existe des galeries pionnières en France qui présente des NFT, même s’il nous reste beaucoup de travail à faire sur la manière dont on les présente.


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